22 janvier 2020 |
La Revue POLYTECHNIQUE 11/2019 |
Électronique
Une puce qui mesure le vide
Indispensable pour la fabrication ou la conservation d’innombrables objets du quotidien – pour la lyophilisation, par exemple –, le vide physique doit être mesuré avec précision. Hexisense, une société issue de l’EPFL, met sur le marché une puce à base de gallium, qui permet de déterminer avec exactitude, la quantité de molécules que renferment certains gaz.
Quel est le point commun entre un miroir, un pot de yogourt, une batterie de voiture électrique ou encore une lampe LED ? Le vide, le vrai – celui dans lequel les molécules de gaz ont été chassées –, est essentiel à leur fabrication. Dans la vie courante, lorsqu’on verse la dernière goutte d’une bouteille, celle-ci est considérée comme vide. En physique, le constat est beaucoup plus nuancé. Les pompes d’aspiration laissent une partie plus ou moins importante du gaz, en fonction du procédé utilisé. Le vide est donc évalué en fonction de la pression exercée par la quantité de molécules qui restent dans le contenant.
Cette mesure est cruciale pour les industriels. Hexisense, une société issue de l’EPFL, en cours de création, s’apprête à commercialiser une petite puce qui pourrait leur simplifier la vie.
Cette puce à base de gallium permet de déterminer avec exactitude la quantité de molécules que renferment certains gaz. (© 2019 Alain Herzog) |
Une puce pour la lyophilisation
Prenons la lyophilisation. Cette technique de conservation des aliments permet de garder la forme et la couleur, ainsi qu’une grande partie des propriétés nutritives et gustatives. Souvent utilisée pour la recherche et la production de produits alimentaires et de médicaments, elle est très gourmande en
énergie et en temps. Le séchage sous vide représente le point d’achoppement, car aucun moyen de contrôle peu coûteux n’existe actuellement pour déterminer le moment précis où le procédé peut être arrêté. Les machines poursuivent donc leur travail de manière exagérée. Le capteur mis au point au Laboratoire en semi-conducteurs avancés pour la photonique et l’électronique de l’EPFL (LASPE) pourrait, par exemple, remédier à cet inconvénient en indiquant en temps réel la quantité de vapeur d’eau restante.
Une troisième option pour mesurer les systèmes sous vide
Les gaz résiduels des systèmes sous vide sont variés : azote, oxygène, argon, hydrogène, vapeur d’eau... Pour mesurer cela, les industriels ont pour l’instant deux options. L’une, peu onéreuse, permet, au moyen de divers systèmes de mesure basés sur la déformation, le déplacement, la chaleur etc., de
mesurer la pression totale de ces gaz. L’autre, le spectromètre de masse, permet de les différencier, mais ne peut être placé dans n’importe quel système, en raison du coût de l’appareil. La petite puce de 0,4 cm2, développée et bientôt commercialisée par Hexisense, entend rendre accessible la mesure différenciée des gaz pour tous les systèmes.
De la lumière pour décoller les molécules de gaz
Le principe de ce petit capteur tire parti de deux propriétés physiques de son principal composant, le nitrure de gallium : sa réactivité à la lumière et son pouvoir semi-conducteur.
Dans une chambre à vide, lorsque les molécules de gaz se raréfient, elles migrent vers les parois et s’y fixent. Le gallium a la particularité, lorsqu’il est exposé à une source lumineuse, de repousser les molécules de gaz. Une
LED est donc placée sur la puce, permettant de décoller les molécules des parois. Une fois éteinte, c’est le pouvoir semi-conducteur du gallium qui permettra d’évaluer avec quelle célérité elles y retournent.
Des algorithmes spécifiques mettent ensuite en relation le nombre de molécules sur la surface, avec la pression partielle. Sélectives, ces minuscules puces peuvent se targuer d’une excellente efficacité, puisqu’elles sont capables de détecter, par exemple, un taux de moins de 0,5 % d’oxygène dans de l’azote.
Résistantes à la chaleur et aux chocs
Ces puces universelles sont résistantes à la chaleur, jusqu’à une température de 250 °C. Elles ne contiennent aucun système micro-électromécanique, ce qui leur permet de ne craindre ni les vibrations mécaniques, ni les chocs. En outre, au contraire des jauges de vide à base d’ionisation utilisées pour les basses pressions, ce capteur ne produit pas de particules ionisées ou de champ magnétique qui pourraient perturber certains équipements techniques. Ces avantages confèrent à ce système d’un nouveau genre, une omnipotence qui pourrait faciliter le travail des professionnels, puisqu’il suffira de placer quelques-unes de ces puces dans les systèmes de vide pour obtenir les données souhaitées.
Démarrage de la production
Les deux inventeurs, Ian Rousseau et Pirouz Sohi, qui poursuit son doctorat au Laboratoire en semi-conducteurs avancés pour la photonique et l’électronique, sont soutenus par divers programmes de démarrage, tels que BRIDGE, l’accélérateur développé en commun par Innosuisse et le Fonds national suisse, Innogrant, Enable ou encore Venture Kick. L’objectif d’Hexisense est de développer, produire et commercialiser les capteurs entièrement au sein d’une entreprise. De la conception à l’emballage en passant par la caractérisation et la fabrication.
Ian Rousseau
PDG d’Hexisense
Tél. 077 464 72 38
ian.rousseau@epfl.ch