Des abonnements
pour l'enrichissement
14 janvier 2025 | La Revue POLYTECHNIQUE | Énergie & Environnement

Une batterie d’un nouveau genre

Blaise Duval, magazine Swissquote

Des chercheurs tentent de fusionner la batterie et la structure des voitures électriques, ce qui permettrait de réduire drastiquement le poids.

C'est ce qui s’appelle faire d’une pierre deux coups. Ou comment transformer la batterie des véhicules électriques en partie intégrante de leur structure, et donc réduire leur poids total. Une équipe de chercheurs de l’Université de technologie Chalmers, en Suède, travaille sur ce projet de batterie structurelle depuis plus d’une décennie. Leur innovation se base sur des fibres de carbone – un matériau reconnu pour sa légèreté et sa résistance – permettant de stocker de l’énergie tout en supportant des charges mécaniques.

Concrètement, les fibres de carbone ont ici une double fonction : elles agissent à la fois comme électrodes, pour stocker et libérer l’énergie, et comme éléments structurels de la batterie. L’objectif ultime est que cette batterie structurelle puisse remplacer les composants les plus lourds des véhicules, tels que le châssis, généralement fait d’acier, plus rarement d’aluminium dans le cas de véhicules premium.

Un article sur l’avancement du projet a été publié le 10 septembre dans la revue Advanced Materials. Et les progrès sont réels, comme en a témoigné la coauteure Richa Chaudhary sur Euronews : « Nous avons réussi à créer une batterie en composite de fibres de carbone, aussi rigide que l’aluminium et suffisamment dense en énergie pour une utilisation commerciale. »

En 2018 déjà, l’équipe de Chalmers avait démontré que les fibres de carbone pouvaient stocker de l’énergie de manière chimique, ce qui lui avait valu une attention mondiale. Puis un nouveau jalon avait été posé en 2021 avec une batterie offrant une densité énergétique de 24 Wh/kg. Depuis, le concept a été continuellement amélioré, la batterie gagnant en rigidité et atteignant aujourd’hui une densité énergétique de 30 Wh/kg, certes encore bien en dessous des capacités des batteries lithium-ion à hautes performances (250 Wh/kg), mais avec l’avantage d’un poids structurel bien moindre. Le professeur Leif Asp, responsable de ce projet à l’Université de technologie Chalmers, estime qu’une densité d’au moins 50 Wh/kg est désormais « à portée de main », selon des propos rapportés par l’organisme suédois WISE, dévolu à la science des matériaux.

Si l’industrie automobile apparaît comme une cliente toute désignée dans l’optique de concevoir des véhicules plus légers, de telles batteries structurelles ne lui sont pas exclusivement destinées. Ces technologies pourraient à terme équiper des téléphones portables « minces comme des cartes de crédit » ou des laptops « deux fois plus légers que ceux d’aujourd’hui », selon les termes de Leif Asp.

Autre avantage de cette conception : elle évite l’utilisation de matières premières critiques comme le cobalt ou le manganèse, dont l’extraction pose des défis environnementaux et sociaux. Revers de la médaille, cela rend la batterie quasi impossible à remplacer puisqu’elle fait partie intégrante de la construction.

Bien que ces batteries possèdent un grand potentiel, le passage à une production commerciale n’est pas d’actualité. Pour accélérer la transition du laboratoire au marché, l’Université de technologie Chalmers a lancé un spin-off, Sinonus AB. Il devra relever de nombreux défis techniques, notamment l’amélioration de la densité énergétique de la batterie et l’optimisation des procédés de fabrication, afin de rendre cette technologie viable à long terme.