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25 juillet 2024 | La Revue POLYTECHNIQUE | Énergie & Environnement

En finirons-nous avec le charbon dans un futur proche?

Source : Sciences & Univers N°21

Le charbon, cette roche sédimentaire combustible, a été le pilier de la révolution industrielle et reste une source d’énergie majeure dans le monde, bien que critiqué pour son impact environnemental. Quel est donc son destin à l’ère de la transition énergétique?

 

Image: www.futura-sciences.com

Le charbon a longtemps été favorisé pour sa disponibilité et son coût relativement bas. Il est utilisé pour la production d’électricité, la fabrication de l’acier et comme combustible dans divers secteurs industriels. De vastes économies, notamment en Asie, ont bâti leur croissance sur l’utilisation du charbon. Or, ce combustible est l’une des plus importantes sources d’émissions de dioxyde de carbone (CO₂), un gaz à effet de serre primordial dans le réchauffement climatique. De plus, il libère des polluants atmosphériques nocifs pour la santé humaine et l’environnement, tels que le dioxyde de soufre (SO₂), les oxydes d’azote (NOx), et des particules fines. Or, cette énergie, contrairement à l’idée reçue en Occident, est loin d’être sur le déclin. Pire encore, elle est en hausse, comme le rappelait l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) l’été dernier: la consommation mondiale de charbon a touché un «plus haut historique» en 2022 et devrait de nouveau flirter avec un «niveau record» cette année.

Consommation en hausse

Ne confondons pas pourcentage et valeurs absolues: si, en 1900, l’humanité consommait 700 millions de tonnes dans l’année, aujourd’hui ce chiffre atteint plus de 8 milliards... Comme le rappelait l’AIE dans son dernier rapport, la consommation de charbon a ainsi augmenté de 3,3 % l’an dernier, soit 8,3 milliards de tonnes. Cela saute encore moins aux yeux des Européens, pour qui les mines et les trains, rappelant l’utilisation de cette roche combustible, ont été délocalisés ailleurs dans notre champ de vision, de même que la consommation en Europe s’est réduite à une portion congrue. Or, comme l’explique Jean-Marc Jancovici, l’ingénieur et star médiatique européenne de la transition énergétique, «la situation européenne est loin d’être représentative de ce qui se passe dans le monde, où le charbon joue plus que jamais un rôle central dans un sous-ensemble essentiel de l’approvisionnement énergétique: l’électricité. De fait, les deux tiers du charbon extrait sur la planète servent aujourd’hui à alimenter les centrales électriques, ce chiffre est de 70 % en Asie, un record!». Or, l’Europe produit aujourd’hui 12 % de l’électricité mondiale, alors qu’elle en représentait 40 % dans les années 1940 - 1950. Cette délocalisation massive a peu de chose face la production actuelle de la France – et ce chiffre était de 23 500 milliards de kilowattheures en 2014. Et depuis, le chiffre a été multiplié par 40 et le charbon y prend la plus grosse part! Rappelons aussi que les Chinois construisent une centrale thermique à charbon par semaine, et que l’Allemagne, précurseur et modèle dans les énergies renouvelables en raison de ses investissements massifs dans l’éolien et le solaire (ainsi que son renoncement au nucléaire), en importe de plus en plus.

Un avenir incertain

Les accords internationaux sur le climat, comme l’Accord de Paris, visent à réduire drastiquement les émissions de CO₂, ce qui implique une limitation conséquente de l’utilisation du charbon et des autres énergies fossiles. Cependant, les préoccupations environnementales se heurtent à l’adoption de normes de pollution plus strictes et à l’essor des énergies renouvelables, telles que l’éolien et le solaire, dont les coûts ont considérablement chuté, les rendant compétitives par rapport au charbon. L’innovation dans les technologies de capture et de stockage de l’énergie et la pression pour limiter l’impact environnemental restent encore faibles. Des technologies émergentes, comme la capture et l’utilisation du carbone, cherchent à piéger les émissions de CO₂ des combustibles fossiles et à les stocker sous terre. Bien que prometteuses, ces technologies restent coûteuses et complexes à mettre en œuvre à grande échelle. Le concept de «charbon propre» ne fait pour sa part référence à des technologies visant à réduire la pollution plutôt qu’à éliminer totalement les émissions de CO₂, leur impact sur la réduction du CO₂ étant limité, et l’expression «charbon propre» étant souvent perçue comme un oxymore. Ainsi, l’avenir énergétique du charbon est marqué par un paradoxe: malgré une prise de conscience globale et un tournant vers des énergies plus propres, le charbon reste ancré dans le paysage énergétique mondial, principalement en raison de ses réalités économiques et de son développement. La question n’est pas de savoir si nous devons sortir du charbon, mais plutôt à quelle vitesse et comment nous pouvons y arriver sans perturber l’économie mondiale. La transition vers des énergies plus propres nécessitera des investissements significatifs, des politiques publiques courageuses, et l’évolution des marchés énergétiques mondiaux.

Une source d'énergie encore incontournable

Tout le monde sait que la révolution industrielle, initiée au 18e siècle en Angleterre, a provoqué une rupture dans la vie des hommes, rupture qui s’est accélérée au siècle suivant grâce à la généralisation de l’usage du charbon et de la machine à vapeur, entraînant un bond en avant des premières industries lourdes de la métallurgie et des chemins de fer. Cette chronologie industrielle place aujourd’hui encore le charbon au centre de la scène énergétique mondiale: en 1900, le charbon représentait 100 % de l’énergie consommée dans le monde. Bien sûr, les chiffres ont considérablement diminué: en 2000 il était descendu à 23 % de l’énergie mondiale. Or, malgré cette baisse, le charbon est aujourd’hui la deuxième source d’énergie primaire au monde: avec une part de 30 %, le charbon est la deuxième source d’énergie primaire au monde !

Le saviez-vous?

L’utilisation du charbon n’est probablement pas près de diminuer! La durée des réserves connues est estimée à au moins 100 ans et les grandes puissances économiques comme les États-Unis, la Chine et l’Inde en possèdent des milliers de gigatonnes. Il faut savoir qu’il est plus économique de produire de l’énergie avec du charbon qu’avec du pétrole ou du gaz naturel...