25 octobre 2018 |
Sécurité Environnement |
Gestion technique du bâtiment
Édito (4/2018)
Un pavé dans la mare
«Le bois conquiert sa place dans le chauffage central», «Le bois, alternative aux énergies fossiles, offre une solution écologique», «Le bois, une énergie durable et économique», «Le bois, une alternative écologique au nucléaire». Tels sont les titres qu’on peut lire un peu partout dans la presse et sur la Toile. Mais le bois est-il vraiment une solution préservant l’environnement ?
Lançant un véritable pavé dans la mare, plusieurs scientifiques dénoncent, dans Nature Communications, une future directive européenne sur les énergies renouvelables, qui classe le bois comme une source d’énergie propre et vise à doubler son usage d’ici à 2035. Selon ces chercheurs, un usage excessif de ce végétal risque d’être préjudiciable aux forêts et de faire rater l’objectif de baisse des émissions de CO2de l’Union européenne. Car le texte de Bruxelles – c’est aussi l’opinion de la quasi-totalité des milieux écologistes – considère le bois comme une source d’énergie non polluante, n’émettant presque pas de gaz carbonique lors de sa combustion. L’argument étant basé sur le fait que le CO2émis sera capté par la croissance des arbres qui remplaceront ceux que l’on a coupés.
Or, selon Jean-Pascal van Ypersele, professeur de climatologie à l’Université de Louvain et ancien vice-président du GIEC, la réalité est plus complexe. En effet, pour produire la même quantité d’électricité, le bois émet 1,5 fois plus de CO2que le charbon et trois fois plus que le gaz naturel. Car sa combustion vaporise tout d’abord l’eau qu’il contient, puis casse les grands édifices moléculaires de la matière végétale, ce qui demande bien plus d’énergie que pour décomposer les cinq atomes de la molécule de méthane, dont est composé le gaz naturel.
Et ce n’est pas tout. Lorsqu’on abat un arbre, un tiers environ de sa biomasse – les branchages et les racines – reste sur place. Celle-ci va alors se décomposer et dégager du CO2. Enfin, la combustion du bois coupé est immédiate, alors que la captation d’une quantité de CO2équivalente à celle qui a été émise, prendra des décennies. L’idée reçue – bien ancrée dans les milieux écologistes depuis des lustres – selon laquelle le chauffage au bois aurait un bilan nul en termes d’émission de gaz carbonique (et donc de réchauffement climatique), ne serait alors qu’une illusion !
Bien sûr, l’article deNature Communications n’a pas plu à tout le monde et la riposte n’a pas tardé. Mais comme par hasard, elle est venue principalement des pays nordiques, qui comptent bien exploiter leurs immenses forêts ! «Même avec une gestion optimisée des forêts, il ne sera pas possible de s’affranchir de la dette du bilan carbone pendant au moins une vingtaine d’années», affirme le géographe Eric Lambin, professeur aux universités de Stanford et de Louvain.

Par Michel Giannoni