21 Dezember 2018 |
Revue internationale de CRIMINOLOGIE et de POLICE technique et scientifique 04/2018
Cerbère et les trois théories de l’enquête
par Maurice Cusson
Un survol de ce qui a été écrit sur l’enquête criminelle depuis un demi-siècle conduit à quelques constatations majeures. La première, c’est que les services d’enquête policière doivent gérer et filtrer trois catégories d’affaires criminelles fort différentes : les cas déjà résolus, les cas insolubles et les affaires résolubles. Les services d’enquête qui négligent de prendre en compte ces différences se condamnent à l’inefficacité. Deuxièmement, le monde des enquêtes policières s’est radicalement transformé entre la deuxième moitié du XXe siècle et le début de notre XXIe siècle. Avec les développements fulgurants de l’informatique, de l’électronique, des téléphones portables, d’Internet, de la vidéosurveillance et des bases de données informatisées, la traçabilité des comportements humains a explosé. Cette évolution place les enquêteurs devant une situation inédite. D’une part, leurs chances d’élucidation augmentent, mais, de l’autre côté, il devient difficile de traiter et d’interpréter les grandes masses de données accumulées au cours d’une enquête. Troisièmement, il n’existe pas une seule théorie de l’enquête. En effet, les enquêteurs visent trois objectifs différents, ce qui les conduit à alterner entre trois théories différentes de l’enquête. Ils sont tout d’abord à la recherche de la vérité, ce qui les encourage à adopter la méthode scientifique. Ensuite, ils cherchent à contribuer efficacement à la sécurité publique, ce qui les conduit à penser stratégiquement. Et enfin, comme ils doivent composer avec le fait que leur démarche débouche sur des procédures judiciaires, ils doivent garder à l’esprit la justice comme finalité. Ces trois visées théoriques sont présentées et illustrées en racontant une fable en prose inspirée par l’histoire de Cerbère le chien à trois têtes de la mythologie de la Grèce antique.